Chroniques

par irma foletti

Le comte Ory
opéra bouffe de Gioachino Rossini

Rossini in Wildbad / Trinkhalle, Bad Wildbad
- 25 juillet 2024
Une nouvelle production du "Comte Ory" au festival allemand "Rossini in Wildbad"
© patrick pfeiffer

Cette année, Rossini in Wildbad a retenu Le comte Ory comme titre à représenter dans la grande salle Trinkhalle. Comme régulièrement, la mise en scène de Jochen Schönleber vise à l’essentiel, dans la scénographie aux petits moyens qu’il a conçue lui-même [lire nos chronqiues de Moïse et Pharaon, L’equivoco stravagante, Elisabetta, regina d’Inghilterra, Ermione et Adina]. Les lieux de l’action sont évoqués par six panneaux, d’abord des palmiers dans une forêt luxuriante pour le premier acte, puis, pour le second, ce sont au verso des livres sur des rayonnages de bibliothèque qui nous transportent à l’intérieur du château de la comtesse de Formoutiers.

Ce sont toutefois les costumes qui marquent le plus le regard, en commençant par ces hommes en pantalon militaire et T-shirt à faux pectoraux et abdominaux qui partent visiblement à la croisade. Les femmes restées sur place sont plutôt babacool, en robes colorées, plumes et fleurs dans les cheveux, tout comme cinq hommes au bandeau rasta et médaillon peace and love. Ory est alors vu comme un gourou en longs cheveux et à barbe blanche… Tout cela fonctionne très bien, même si c’est du déjà-vu – plus précisément dans la production de Laurent Pelly à Lyon, il y a quelques années [lire notre chronique du 21 février 2014]. Le traitement se recentre ensuite sur une démarche classique, au second acte, avec quand même un trait un peu épais pour travestir Ory et ses sbires, lui en perruque blonde et robe violette, ses acolytes en robe et perruque également très fantaisie, assez loin de l’image des fausses pèlerines du livret.

La distribution vocale est de bon niveau.
À commencer par le rôle-titre que Patrick Kabongo d’une diction claire, d’un jeu souvent très comique et grâce à une voix agréablement projetée, jamais prise en défaut par les redoutables intervalles de la partition [lire nos chroniques d’Armide, L’inganno felice, Romilda e Costanza, Le Balcon, Le philtre, Armida, Il Turco in Italia et La resurrezione]. Malgré ses efforts d’articulation, le français de Sofia Mchedlishvili en Comtesse Adèle n’est pas toujours aussi facilement accessible. On apprécie, en revanche, sa musicalité et ses aigus faciles, tandis que les passages d’agilité sont parfois inégaux : bien en place dans la cabalette qui suit En proie à la tristesse, mais ratés à la toute fin de l’opéra dans J’entends d’ici le bruit des armes. L’Isolier de Diana Haller dispose d’un supplément de puissance vocale et les notes des parties vocalisées sont bien détachées. Avec ces trois artistes de valeur, le trio À la faveur de cette nuit obscure constitue le sommet vocal et théâtral de la représentation, moment sensuel où les corps, debout puis à genoux, se détachent en ombres sur un fond lumineux et coloré, derrière un léger voile.

La basse française Nathanaël Tavernier impressionne favorablement en Gouverneur, possédant l’autorité du rôle avec un généreux creux dans le grave [lire nos chroniques de Cenerentola, Ottone, re di Germania et Salome à Strasbourg puis à Metz]. Quant à lui, le Raimbaud de Fabio Maria Capitanucci déçoit par la qualité insuffisante du français et parce qu’il ne paraît pas toujours à l’aise vocalement, en particulier sur les fins de phrases, même si son grand air du II, Dans ce lieu solitaire, n’en souffre pas trop [lire nos chroniques de La bohème, Lucia di Lammermoor, Il Pirata et Les Troyens]. Camilla Carol Farias (Ragonde) et Yo Otahara (Alice) complètent, la première parfois un peu discrètement dans ses notes les plus graves.

Antonino Fogliani assure la direction musicale de l’Orkiestra symfoniczna Filharmonii im. Szymanowskiego w Krakowie (Orchestre symphonique de la Philharmonie Szymanowski de Cracovie) en bonne forme, avec des tempi généralement vifs, amenant par ailleurs de la profondeur aux pupitres de cordes. La tendance reste tout de même à produire des tutti d’un très fort volume, dans cette salle particulièrement sonore, sans fosse et où les musiciens sont placés au même niveau que les premiers rangs de public. Même les choristes du Chór Filharmonii im. Szymanowskiego w krakowie (Chœur de la Philharmonie Szymanowski de Cracovie), bien chantant, sont régulièrement couverts par l’orchestre, par exemple pendant l’orage en début de l’Acte II, surpuissant.

IF